vendredi, octobre 06, 2006

BRUNO CLÉMENT « À MALENTENDEUR, SALUT ! »


Hier soir, en écoutant le son de pluie tomber, je suis allé à l'Institut franco-japonais de Tokyo pour assister à la conférence de Bruno Clément, professeur de littérature à l'Université Paris 8 et le président du Collège international de philosophie qui a été fondé par Jacques Derrida en 1983. Le titre de sa présentation était « À malentendeur, salut ! » et sa résume se lisait :

"Dans les domaines de la science, de la philosophie, de la politique, de la critique littéraire, de la peinture, bref, partout où il est question d'interpréter, le malentendu est spontanément brandi comme un reproche. Si l'on croit avoir démontré que la thèse d'un adversaire repose sur un malentendu, on pense l'avoir ruinée. J'aimerais soutenir l'opinion contraire et montrer que dans tous ces domaines, il existe bien des exemples de malentendus fructueux. Au fond, c'est la fidélité, c'est la sagesse qui est triste : elles ne conduisent qu'à la l'ennui, qu'à l'attendu, qu'à la répétition ou à la paraphrase. C'est l'erreur qui est heureuse, qui est féconde, qui est dynamique !"

Surtout la dernière phrase m'a tout de suite attiré. Pour la paraphraser, on peut dire que l'échec est la source de la fécondité. C'est une phrase dynamique qui me galvanise. Mais c'est rare que j'ai envie d'assister à la conférence même si je suis très impressionné. Quelque chose était différente hier soir.

Il parlait doucement, jamais à haute voix, incluant beaucoup de citations, comme s'il suivait le chemin de ses pensées soigneusement (personnellement, je pense que c'est très français). Il a utilisé les vocabulaires de la littérature, de la philosophie, et de la théologie. Donc c'était difficile à comprendre. Je ne comprenais qu'envions 30% de sa présentation. Mais j'ai écrit en japonais ce que je pensais avoir compris même si cela peut nous mener à un autre malentendu. Je voudrais écrire en français également, mais plus tard, pour la raison évidente.

Voilà quelques mots-clés:

Sartre - Gustave (Flaubert)
Voltaire - Pascal
"la trahison": ne pas pouvoir comprendre un autre écrivain; trahir, être trahi; toujours malentendu

le pouvoir de "rhétorique": Socrate vs Gorgias

"l'oracle": parler de manière difficile à comprendre, parler de façon oblique, pas directe; la source du malentendu

"La récupération": Bernard de Fontenelle (11 février 1657 - 9 janvier 1757), "Histoire des oracles" (1687)

drames de Samuel Beckett - metteur en scène - toujours malentendu

"Don Quichotte" de Cervantes - la même citation plus tard, mais un autre malentendu

Augustin d'Hippone - interprétation de Bible

malentendu: machine à fabriquer - récit hypothétique


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
J'ai lu tout à l'heure une phrase très intéressante sur cette idée de "fécondité de l'erreur" :
"...le professeur n'attendait pas seulement la bonne réponse de notre part. Il se réjouissait lorsque, ne sachant pas répondre, nous finissions par lâcher une énormité plutôt que de garder obstinément le silence. Et il était encore plus heureux si cela débouchait sur de nouvelles questions qui allaient encore plus loin que le problème initial. Il avait une conception particulière de la faute correcte, si bien qu'il était capable de nous redonner confiance quand, malgré tout nos efforts, notre réflexion n'aboutissait pas."
Yôko Ogawa dans "La formule préférée du professeur".

paul_ailleurs a dit…

Bonjour Olivia,
Merci pour la citation appropriée. Je n'arrive pas lire ce roman de Yôko Ogawa (j'ai son CD qui n'est pas encore écouté) mais "la conception de la faute correcte" peut être un des facteurs qui engendre la "fécondité de l'erreur".

Anonyme a dit…

Bonjour Paul et Olivia. J'ai beaucoup aimé le livre que vous citez de Ogawa. En sciences, un certain nombre de découvertes sont dues aussi à de mauvaises manipulations ou à des erreurs. En cuisine aussi!!! Connaissez-vous la tarte Tatin?

paul_ailleurs a dit…

Bonjour Paule,
Je suis allé à cette conférence pour écouter comment le malentendu mène à la découverte scientifique. Comme vous avez mentionné, elle est parfois due à une sorte du malentendu. Je voulais savoir ce problème du point de vue philosophique. Malheureusement, Bruno n'a pas parlé de cet aspect. Mais je pouvais en parler un peu après sa présentation.

Comme vous, je trouve souvent que l'expérience est pareil à la cuisine. Comme je ne connaissais pas la tarte Tatin, j'ai surfé internet. C'est très approprié à ce thème. Merci beaucoup pour cette information !

Anonyme a dit…

Bonjour Paule et Paul,
En effet la tarte tatin est un excellent exemple d'erreur féconde !
Ogawa semble avoir beaucoup d'affinités avec les mathématiques. J'adhère totalement à sa manière de faire tomber les barrières entre des disciplines qu'on considère (malheureusement, à mon avis) trop souvent comme étanches.

Anonyme a dit…

Voici un témoignage du mathématicien Shimura, à propos de son collègue et ami Taniyama (cf. conjecture Taniyama-Shimura) :
"Il possédait la capacité de faire beaucoup d'erreurs, la plupart d'entre elles dans la bonne direction. Je l'enviais et j'essayais de l'imiter, mais il m'était difficile de faire des erreurs heureuses."

In "Le dernier théorème de Fermat", par Simon Singh, 1997, Hachette Pluriel, 1998.

paul_ailleurs a dit…

Bonjour Olivia,
Merci de m'indiquer un autre exemple pour l'erreur heureuse. Je fais des erreurs mais il m'est aussi difficile de rendre des erreurs heureuses. Ça peut arriver une fois dans la vie, si vous avez de la chance. Au fait, le livre que vous avez cité est polulaire au Japon. C'est-à-dire que je le connais.